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Harris Memel-Fôté (1930 – 2008)

Anthropologue, professeur à l'Université d'Abidjan, Memel Fôté laisse ainsi derrière lui 6 enfants et une grande famille politique qu'est le Front populaire ivoirien.Harris Memel-Fôté s'est éteint le dimanche 11 mai dernier à 00h15 minutes à la polyclinique Sainte Anne Marie à l'âge de 78 ans des suites d'une longue maladie. Anthropologue, professeur à l'Université d'Abidjan, Memel Fôté laisse ainsi derrière lui 6 enfants et une grande famille politique qu'est le Front populaire ivoirien.

Qui est Harris Memel-Fotê ?
Memel-Fôté est né dans le petit village de Mopoyem dans le département de Dabou au sud de la Côte d’Ivoire. Marié et père de 6 enfants, celui qui a inspiré la création du Front populaire ivoirien (FPI) parti actuellement au pouvoir a obtenu une licence ès-Lettres dès 1956 et est diplômé d’Etudes supérieures de philosophie (Université Aix-Marseille). Cet éminent professeur et chercheur traîne avec lui deux doctorats : un en Sociologie qu’il a obtenu en 1970 à la Sorbonne, et un autre en ès-Lettres brillamment décroché à Paris en 1988. Sociologue de renommée internationale, membre de l’Académie universelle des cultures, Harris Memel-Fôté a derrière lui une brillante carrière d’universitaire partagée entre la Côte d’Ivoire, où il a fondé dans les années 1960 l’Institut d’ethno-sociologie, et la France, où il a été directeur d’études à l’Institut des hautes études en sciences sociales de Paris. Professeur honoraire à l’Université d’Abidjan, il a également été Directeur d’Etudes Associé à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris) et, au cours de l’année 1995-96, Associé à la Chaire internationale au Collège de France. Il a recouvert de nombreuses autres fonctions scientifiques en Côte d’Ivoire et à l’étranger, dont la direction de l’Institut ethno-sociologique de l’Université d’Abidjan, et il a été membre de différents comités promus par l’UNESCO. Memel Fôté est membre de l’Académie Universelle des Cultures. Il est député et vice-président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire et fondateur du mouvement qui porte son nom. Dans ses nombreuses œuvres, il a traité des thèmes tels que : le concept de culture, les systèmes politiques, la démocratie, les structures de la pensée, les processus de développement, les dynamiques religieuses, la mondialisation, l’éducation, le genre, l’esthétique, la littérature, le théâtre, la médecine et la santé, l’environnement, le rapport entre ethnies et nation, l’histoire de l’esclavage. En 1991, il a été chargé de présider la Conférence annuelle Marc Bloch de l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) de Paris. Ce proche de Laurent Gbagbo, président de la République de Côte d’Ivoire a demeuré à la tête de l’Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines (ASCAD), projet ambitieux qu’il à lui-même nourri et lancé avant de rendre l’âme.

Sa bibliographie
En 1980, celui qu’on a eu plaisir à appeler affectueusement «le sage de Dabou» a publié «Le système politique de Lodjoukrou. Une société lignagère à classes d’âge» sorti aux Nouvelles éditions africaines. Neuf ans plus tard, c’est-à-dire en 1989, il sort «L’esclavage dans les sociétés lignagères de l’Afrique noire. Exemple de la Côte d’Ivoire précoloniale, 1700-1920». Ensuite vient «L’esclavage lignager africain et l’anthropologie des droits de l’homme. Leçon inaugurale faite le lundi 18 décembre 1995». En 1998, cet éminent anthropologue récidive avec «Les représentations de la santé et de la maladie chez les Ivoiriens». L’année suivante, il publie une réflexion intitulé «Fonder une nation africaine démocratique et socialiste en Côte d’Ivoire. Congrès extraordinaire du Front populaire ivoirien»

En prélude aux obsèques nationales, le Président Laurent Gbagbo rend un hommage posthume à celui qui fut également l’un des vice-présidents du bureau de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo «Memel incarne la conscience d’une certaine idée de la dignité»

«C’est avec une profonde tristesse que j’apprends la disparition du professeur Harris Memel Fôté. Memel Fôté n’est pas seulement pour ma génération un professeur, l’un des premiers enseignants africains à avoir exercé dans l’enseignement secondaire et dans les universités d’Afrique. Il incarne également la conscience d’une certaine idée de la dignité de l’homme noir, de la liberté en Afrique et de l’indépendance des Etats africains. Sa mort coïncide avec le 50ème anniversaire des réformes institutionnelles engagées par la France en 1958 et qui ont débouché sur les indépendances de nos Etats deux ans plus tard. Les courants et mouvements indépendantistes africains savent la part inestimable au plan militant et au plan intellectuel que Harris Memel Fôté a personnellement prise dans la marche de l’histoire de cette période pleine à la fois d’espoirs et d’incertitudes. Il a choisi le temps de l’indépendance et de la dignité africaine ; c’est pourquoi il s’est rendu en Guinée lorsque ce pays ayant dit «non» au référendum de Septembre 1958, s’est trouvé du jour au lendemain privé de toute assistance technique française, en représailles à la décision souveraine du peuple guinéen. Il a choisi le temps de l’Indépendance d’esprit et de la Solidarité Africaine ; pour cela, il a été arrêté et emprisonné la 30 Avril 1959 à Abidjan. Il a choisi le temps de la démocratie et de l’Etat de droit ; pour cela, il a refusé de se compromettre avec le parti unique. Il était là en 1990 lorsque le temps de la révolution démocratique étant arrivé, nous avions besoin de sa caution morale, politique et intellectuelle. Il n’a pas failli à son devoir envers l’Afrique, envers la Côte d’Ivoire son pays et envers la démocratie et les libertés. Depuis 2000, il dirigeait l’Académie des Sciences d’Afrique et des Diasporas Africaines. Car Harris Memel Fôté est d’abord un homme de science et de culture, reconnu par les sociétés savantes les plus prestigieuses au monde. Il était membre de l’Académie universelle des cultures du monde créée par François Mitterrand et professeur honoraire au collège de France. Pour la Côte d’ivoire, il restera la montagne du savoir, comme a su le dire un poète parlant de la «Memelmontagne». C’est aujourd’hui un monument qui se dresse, et la Côte d’Ivoire lui doit un hommage national. Je présente mes condoléances à son épouse et à ses enfants, à sa famille et aux membres de sa génération.

Aux habitants de Mopoyem, son village, et à toute la région de Dabou dont il était le député ».

Des journées en hommage à cette éminence grise
A l’occasion desdites journées consacrées à Memel-Fotê, l’un des pionniers de l’intelligentsia africaine, le président Gbagbo a réitéré la nécessité de lier la philosophie à l’action politique. Memel-Fôté qui cumule à lui seul les casquettes de philosophe, d’anthropologue, d’éminence grise des sciences humaines dans le monde des 20 et 21ème siècle, de président de l’Académie des sciences, des cultures, des arts et des diasporas africaines (ASCAD), et membre de plusieurs sociétés savantes s’impose impérativement dans les consciences collectives africaines et du monde entier. En effet, ce jour-là en affirmant dans son adresse que «seul le jugement de l’histoire compte», le Président de la République entendait rassurer les plus sceptiques quant à la reconnaissance universelle de la contribution aux savoirs et connaissances divers, promus par son «aîné, ami et militant», de l’irréversibilité de la vérité historique comme prophétique. «La pensée de Memel sera connue (…), elle sera la base de l’enseignement philosophique de demain», a prophétisé le chef de l’Etat ce jour, en présence de toute la grande famille politique et génétique de Memel.

Déductivement, et faisant allusion à une interpellation du Pr Samba Diarra, congénère soixantenaire du Pr Fôté, indiquant qu’il aurait trahi les principes éthiques du socialisme avec ses pairs du FPI depuis leur accession au pouvoir, le Chef de l’Etat a eu a affirmer: «Harris Memel Fôté est propre, propre, propre ; il n’est pas mêlé aux magouilles. Il est donc un modèle. Il lie sa pensée et son action. Il n’a jamais suggéré la violence, la guerre civile, les coups d’Etat. Il n’a jamais travaillé pour être au premier plan (…). Un intellectuel ne fait pas de coup d’Etat, un intellectuel ce n’est pas celui qui sait lire et écrire. Ce n’est pas seulement un diplômé, c’est un homme de principes». L’entourage immédiat de l’homme Memel le qualifie d’homme de principe au parcours atypique.

Hortense Zagbayou Bekouan (directeur regional de la culture et de la francophonie, région des lagunes, présidente de l’association Awalet art et culture)

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