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Origine légendaire des sénoufo

Les Sénoufo occupent un territoire qui, selon la légende, était peuplé par les "Mandébélé". Les Mandébélé était un peuple itinérant, qui vivait de la chasse (en particulier, de la chasse à l’éléphant).

Au même temps, il cultivait du mil lorsqu’il séjournait pendant quelque temps au même endroit. Ce peuple a eu une influence décisive sur les Sénoufo en deux aspects: l’agriculture et le système éducatif.

En effet, sans abandonner les activités de chasse, les Sénoufo se seraient mis, comme les Mandébélé, à cultiver le mil et auraient fini par se sédentariser. Par ailleurs, les Mandébélé avaient une langue secrète, le « tiga », qu’ils enseignaient aux enfants. Mais ceux-ci n’avaient pas accès aux cérémonies initiatiques jusqu’à l’âge adulte. Ce secret fut alors dévoilé aux Sénoufo. Dès lors, les Mandébélé ne se sentirent plus en sécurité d’autant que les Sénoufo disposaient d’un équipement de chasse supérieur à eux car ils avaient des armes en fer et, ainsi, ils accaparaient tout le gibier. Alors, les Mandébélé cherchèrent refuge dans la brousse et disparurent.

Depuis, on dit qu’ils vivent dans les arbres et ont la capacité de se rendre invisibles. Ils sont devenus « les génies de la forêt ». Les Sénoufo profitèrent alors de ce vide pour s’emparer des terres vierges. Leurs migrations s’étalèrent pendant trois siècles. Compte tenu des longues distances qu’ils eurent à parcourir, les groupes se séparèrent rapidement et les différences ne tardèrent pas à apparaître entre eux.

Dans cette démarche, ils jugèrent le principe des rites initiatiques utiles à la société et ils instituèrent le « tchologo », qui est un ensemble d’initiations à la vie en société, puis le « poro » qui deviendra obligatoire pour tous les Sénoufo au xive siècle.

Aujourd’hui, les Mandébélé sont des êtres mythiques qu’on représente par des statuettes de nains aux pieds retournés2. Les devins se servent de ces statuettes pour faire leurs cérémonies. Ainsi, mythologie et histoire se rejoignent.

Chez les Sénoufo, il y a des récits selon lesquels le premier Sénoufo a été créé par Dieu lui-même dans leur habitat actuel pour montrent qu’ils sont des groupes anciens venir de nulle part, autochtones. Donc, ils n’ont pas des récits de conquête territoriale.

Effectivement, les Sénoufo ont plutôt subi au cours de leur histoire des invasions et déplacements forcés. Les sous-groupes sénoufo à partir desquels ils se sont constitués demeurent encore inconnus. On peut, néanmoins, les considérer comme les « pré-fohobélé » ou les « proto-fohobélé » Histoire.

La première étape de la pénétration des peuples Sénoufos en Côte d’Ivoire va du Xe au XVe siècle. Et la deuxième se produit lors du XVIe siècle. Donc, les Sénoufo sont avec les Mandés et les Krous les habitants les plus anciens, de leur région respective, de l’actuelle Côte d’Ivoire.

Ce sont plutôt des chefferies qui s’installent dans ces nouveaux territoires à cause de :

– La croissance démographique, qui a poussé certains peuples, spécialement les Sénoufo, à se déplacer à la recherche de nouvelles terres.

– Le développement du commerce transsaharien qui portait essentiellement sur la kola et l’or. En particulier, les peuples Mandé, Akan et Krou.

– L’expansion des grands empires du Soudan a fait fuir certains peuples, soucieux d’échapper aux conquêtes militaires et de garder leur autonomie, leur ordre social et leur ordre religieux. Les Sénoufo, étant un peuple éminemment pacifique et travailleur de la terre, ont cherché à éviter tous ces types des conflits.

– On désigne par Siénéfo les premiers occupants du Siéné, région située entre San, à l’Est du Mali et Nouna à la frontière du Burkina avec le Mali. Les Siénéfo seraient installés depuis une époque très ancienne au nord est de la Côte d’Ivoire, dans le Pays du Sel. Probablement ils arrivèrent au début du deuxième millénaire, au même temps que le Koulango et les Lobi au nord-est de la Côte d’Ivoire.

En fait les langues de ces trois peuples appartiennent au groupe « Gur » (aussi appelées Voltaïque). Ils partagent aussi les mêmes fonds d’institution et de culture, notamment le système matrilinéaire7. En effet, le rôle principal est joué par la famille de la mère. Donc, on pourrait penser qu’au début ils avaient quelque type de relation entre eux. Les Siénéfo firent les premiers à s’installer dans l’espace compris entre le fleuve Baoulé (dans l’actuel Mali) et le Volta Noire (dans l’actuel Burkina Faso). Donc, ils sont considérés, en ce qui concerne certaines composantes, comme autochtones.

Les ancêtres connus des Sénoufo sont les Pallaka (ou Falafala) et les Myoro qui vivaient de la chasse et la cueillette. Ils étaient installés dans les régions septentrionales du pays Sénoufo actuel. Il y a eu aussi des éléments voltaïques descendus à une date reculée de la région comprise entre Banfora, Bougouni et Sikasso.

Les Pallaka avaient pour habitat originel le village de Ténigréra, dans les environs de la ville historique de Kong. Ils étaient considérés les maîtres de la terre. Mais sous la pression des immigrants ultérieurs, notamment les Mandé du nord, ils se disperseront dans la région de Ferkessédougou.

Les Myoro étaient initialement installés sur la rive droite de la Comoé. Ils étaient des excellents chasseurs et de grands guérisseurs. Ce sont sans doute, ces deux groupes qui sont supposés avoir eu les premiers contacts avec les fameux « mandébélé »9 ou petits hommes aux pieds retournés, dont ils héritent les cérémonies initiatiques tels que le « poro ». Ainsi comme des techniques de chasse dont les « dozo » gardent encore jalousement le secret.

Ces ancêtres des actuels Sénoufo menaient une vie quasi-nomade de ramasseurs et de chasseurs. Ils recherchaient un gibier plus abondant et partirent de Koutiala au Mali vers le XI ou XII s10 . Ils émigrèrent peu à peu vers le Pays de la Kola, c’est-à-dire vers le Sud11 jusqu’à ce qu’ils se trouvaient bloqués par les forêts inextricables de la zone tropicale. Quand même, on doit se méfier des versions d’origine « maliennes » dont se réclament les grandes familles sénoufo. Ces versions sont, pour la plupart, des influences culturelles du monde des Mandé, notamment des Malinké.

Les familles maraboutiques mandé, installées autour des grands chefs sénoufo, ne pouvaient admettre que leurs maîtres disent venir d’un autre pays que le leur. Les Sénoufo, pour leur part, grands admirateurs de la culture du monde mandé prétendaient, jusqu’à une date récente, rehausser la grandeur de leurs chefferies en les rattachant aux origines historiques des Mandé du Sahel et des savanes soudano-guinéennes.

Donc, le processus de formation des Sénoufo, processus historique de fusion de groupes divers comprenant des autochtones et des émigrés remonte à la protohistoire et s’achève au cours du premier millénaire de notre ère. C’est du mélange de ces populations que sont issus les Sénoufo actuels. Cette formation a connu deux grandes phases :

1. La création de villages.
2. L’organisation d’un système de bois sacrés hiérarchisés.

Ils fondèrent alors Katiola puis occupèrent petit à petit tout l’espace compris entre les localités actuelles de Bouna, Prikro, Mankono, Séguéla, Touba et Odienné en Côte d’Ivoire, espace probablement vide d’hommes à l’époque.

Les Sénoufo ont fondé aussi Kong12 , Dabakala, Kanangoro et Boundiali. Du XIIIe au XIVe siècle naît à son tour Korhogo, la « capitale » actuelle du Pays Sénoufo. Par vagues successives, ils vont occuper un espace géographique immense dont les limites sont grossièrement marquées par les localités actuelles d’Odienné, Touba, Séguéla, Mankono, la zone nord du Pays Baoulé, Bondoukou et Bouna.

Le peuplement sénoufo, couvrant un espace géographique relativement étendu, sera peu perturbé par l’implantation mandé, qui sera au contraire coupée en deux par le territoire sénoufo. En fait, les Mandé se sont implantés autour du XIIIe siècle dans les régions de Kong, Korhogo, Boundiali, Odienné, Dabakala, Bondoukou et Bouna. Au départ, les immigrants mandés n’ayant d’autre préoccupation que le commerce sont favorablement accueillis. Ils introduisent dans le pays la forge, le tissage, les métiers du cuir et du bois.

Par ailleurs, ils s’intègrent à leur nouveau milieu, parlent le sénanri et deviendront même à l’origine de quelques-uns des rituels les plus célèbres du Pays Sénoufo : le « korobla »13. Les emprunts sont réciproques. Outre l’initiation au « korobla », les Sénoufo s’enrichissent également des techniques de quelques autres métiers venus du Mali et acquièrent des nouvelles habitudes alimentaires.

Ainsi, se crée un équilibre culturel favorisant des rapports de bon voisinage qui seront rompus avec l’avènement des derniers arrivants mandingues (Ligbi, Soninké et Dioula) de la première moitié du XVI s. Voici leurs raisons :

– Économiques: importance de certains centres commerciaux tels que Bobo-Dioulasso, découverte d’un gisement d’or près de Begho, commerce avec le Soudan par les Bas-Bandama. Aussi autour de Kong et en Pays Djimini et Lobi.

– Politiques: l’Empire de Mali avait perdu puissance, alors quelques chefs guerriers sont venus s’installer dans le territoire habité par les Sénoufo.

– Religieuses: les Malinké voulaient convertir les Sénoufo à l’Islam par force. Mais aussi en recherchant la noix de kola qui était un élément indispensable au moment de donner le nom au nouveau-né, au moment du mariage et en toute cérémonie religieuse. Tantôt, ils entretiennent leur hôte des principes de la foi musulmane, tantôt ils se contentent de mettre à leur disposition leurs connaissances et puissances « spirituelles », leur fabriquant des « safy » ou « sèbè » (sorte de talisman pour protéger du mauvais sort).

Quelques fois ils s’adressent au « narigbafolo »15 pour se donner les garanties d’obtenir plus aisément l’adhésion des autres membres de la communauté s’il parvenait au préalable à la conversion du chef du village.

Donc, les Sénoufo vont émigrer dans trois directions principales:

– Vers la région de Bobo-Dioulasso au Nord-est. Ces Sénoufo sont un mélange culturel de Samogho, Lobi, Tuka, Toussian et Bobo-Dioula. Leur rayon d’influence s’étende toujours à Sikasso et aussi à Bobo-Dioula.

– Vers celle de Bondoukou et de Begho à l’Est. Pendant le XVIII siècle des commerçants Dioula s’établirent parmi les Sénoufo du sud parce qu’ils fréquentaient le grouillant et important marché de Katiola. Ils arrivèrent à appartenir aux classes dominantes Sénoufo et à en avoir des dirigeants parmi eux.

– Vers le Sud entre le Bandama et le Nzi jusqu’à la région de Bouaké. Ces Sénoufo sont un mélange culturel d’immigrants des alentours d’Odienné et Fourou qui depuis des siècles s’étaient mariés avec les groupes du Royaume de Kénédougou, le « Pays de la Lumière » fit établir pendant le IXe siècle Sikasso était son capital. Si bien l’Islam était la religion officielle, elle fut acceptée seulement par l’élite du Royaume et les chefs locaux.

Les Baoulé arrivèrent vers la moitié du XVIII s. Ils étaient constitués par des groupes Akan différents :

– Les Alanguira, issus des Denkyira et arrivés vers 1720. Cette migration arrive à l’immense plateau couvert de savane qui était occupé par des populations éparses de Gouro et de Sénoufo. Donc, ils leur soumettaient et prirent possession du pays.

– Les Assabou, issus d’Asante et arrivés en 1765. Cette migration soumet les Alanguira de Sakassou, les Sénoufo, les Gouro et les Mandé. Ainsi Akoua Bonï instaure le royaume baoulé de Sakassou.
Les Sénoufo qui s’étaient installés à Bouaké ont été repoussés pendant le XVIIIe siècle par les Baoulé, qui se taillent un royaume dans le centre de la Côte d’Ivoire. Donc, ils se sont installés finalement dans le territoire compris entre les fleuves Bandama et la Comoé.

Tous coïncident à dire que l’émigration sénoufo a été faite en plusieurs temps, probablement clan par clan. Ces clans étaient remarquablement structurés sur le plain social mais ils ne s’organisaient pas en Royaume. Voilà pourquoi on connaît très peu de noms propres de l’histoire sénoufo. C’est la raison aussi par laquelle on peut considérer le peuple sénoufo comme un peuple pacifique puisqu’ils n’avaient pas une armée puissante.

Pour eux, l’organisation fondamentale était le village. Ils ne cherchaient pas à créer des Royaumes ou des Empires. Voilà pourquoi il y a environ une trentaine de sous-groupes Sénoufo qui conservent fortement leur identité culturelle.

En fait, tous ces différents sous-groupes Sénoufo s’installeront en territoires différents et clairement délimités.

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