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Le régne d’Akoua Boni, reine des baoulé (1730-1750)

Des faits relevant du règne de la reine Akoua Boni ont été attribués à la reine Abraha Pokou qui, dans l'histoire des Baoulé, est un exemple des souverains archétypes assimilés à des périodes vastes et à trop de faits historiques à la fois (Loucou 1994:56).

A partir de l’Ebrossa, l’exode assabou a tout au plus duré de 1721 à 1725 et nous pensons que la reine Abraha Pokou a vécu cinq ans tout au plus après la fin de la migration. Elle serait donc décédée vers 1730. Dès cette période, s’amorce une dispersion à partir du Ndranouan. C’est ainsi qu’Akoua Boni, accompagnée d’une partie du clan royal, va créer l’établissement de Walèbo.

Ce n’est donc pas Abraha Pokou qui a fondé Walèbo, mais bien Akoua Boni. Quand cette dernière succède à Abraha Pokou et prend la direction du royaume, elle décide de demeurer à Walèbo au lieu de revenir dans le Ndranouan et de s’installer à Niamonou.
La dispersion à partir du Ndranouan a donc été voulue et encouragée par la reine Akoua Boni. Cette politique de colonisation des terres a permis une occupation rapide de ce qui deviendra l’espace des Baoulé. La reine Akoua Boni créera, conformément au bouclier sécuritaire, des villages de défense autour de Walèbo.

Les Alanguira-Assabou de Tometi-Sakassou rapportent à travers leurs traditions orales que leurs ancêtres ont contribué à la mise en œuvre de cette politique. Aussi le nom du village vient de l’expression « défendre ma tête » tometi autrement dit protéger et défendre l’autorité de la reine Akoua Boni {ibid.). C’est ainsi qu’ils ont expulsé les Ayahou sur ordre de la reine des rives de la rivière Blelè au profit des Asandrè (ibid.).

La reine fera mater la rébellion des Sa de Salegele par les Kodè. Elle punira sévèrement un crime de lèse majesté des Goli de Goliblénou. Pour renforcer les capacités démographiques du royaume, elle accueille les Asandrè, des messagers du roi Opoku Ware arrivés dans le Wawolé autour de 1732 .

Elle fait de même avec les Ngban originaires du Ngbanya (Gonja) victimes de la guerre de Botesa qui oppose l’Asante au Gonja en 1732-1733. Quand les Ngban entrent dans le pays baoulé à partir de l’Ano sans doute autour de 1735, la reine Akoua Boni les reçoit solennellement à Walèbo et insère leurs chefs dans le dispositif sécuritaire du royaume. A cette occasion, elle leur offre un grand tambour dénommé Hausserai Kôkô (on a peur de toi) qui symbolise C’est avec l’autorisation de la reine Akoua Boni que la dispersion des populations se fait.

Elle envoie parfois des unités militaires appuyer les groupes qui expulsent les Kouéni (Gouro) des rives Ouest du Bandama pour en occuper les terres. Elle ordonnera à Kouao Gnanguè et Bouassi Pri deux chefs guerriers de mettre fin aux troubles que semaient les Ananfofoè dans la région de Toumodi19. Quand le chef d’Akawa, Akpedrin Malan fera des difficultés pour lui remettre une partie des regalia du royaume dont la défunte reine Abraha Pokou l’en avait fait gardien, elle envoie une expédition conduite par Asoa Kouahin le décapiter.

Le royaume baoulé élomouen de Tchassale a été crée par la reine Tano Adjo et était précédemment indépendant de Walèbo. Mais à la fin de l’exode, soit dès 1725, les Elomouen seront confrontés aux attaques des futurs Baoulé Suamenle, anciennement des Asante Suamara de Kenyase qui, depuis la région de Dadièsso, vont les pourchasser. Répondant à l’appel au secours des Elomouen, la reine Akoua Boni dépêche une expédition conduite par Adjé Boni qui met fin aux agressions des Suamenle et les soumet à son autorité avec obligation de s’acquitter d’une amende de guerre d’une valeur de 100 Ta de poudre d’or.

Le royaume des Elomouen devient vassal de l’État de Walèbo. C’est à la suite de ces événements que le royaume de Tchassale prend le nom Elomouen, car ses dirigeants répondront à la reine Akoua Boni qu’à défaut de pouvoir s’acquitter du tribut de guerre faute de moyens financiers, ils proclament désormais être eux-mêmes sa prime de guerre car ils ont versé trop de larmes du fait de la guerre dont elle les a libéré. Quand les Baoulé au moment de leur dispersion le long du N’zi sont confrontés aux Agni Morofoè, la reine Akoua Boni mobilise l’ensemble des troupes du royaume.

Les Agni Morofoè sont vaincus et les Baoulé occupent les rives Ouest du N’zi. Cette guerre s’est déroulée entre 1736 et 1740. Après le règne glorieux de la reine Akoua Boni, la fondatrice de l’État baoulé de Walèbo, il n’y aura plus une cause qui puisse susciter une mobilisation générale de l’ensemble du peuple. L’absence d’une sollicitation du pouvoir central par les pouvoirs régionaux entraînera une dégénérescence progressive de l’État baoulé de
Walèbo. La reine Akoua Boni dont nous situons la fin du règne vers 1750 a été inhumée à Sakassou par son fils et successeur Kouakou Djè. Il fera bâtir la nouvelle capitale autour de la sépulture de sa mère. Ainsi, Sakassou (le lieu de la sépulture) deviendra la capitale de l’État de Walèbo.

CONCLUSION
La reine baoulé la plus connue du fait de la légende sur le sacrifice de l’enfant rapporté dans les récits de l’exode des Assabou est Abraha Pokou. Et pourtant la reine qui a réellement bâti l’État baoulé et posé les actes historiques les plus importants est Akoua Boni. La légende a donc eu plus d’écho que la réalité historique. Cet article a replacé dans leurs justes proportions les actes historiques majeurs réalisés par chacune des deux reines baoulé. Il a aussi voulu faire savoir que des deux reines, celle qui a réellement façonné le peuple baoulé et bâti un État qui a fait sa cohésion est Akoua Boni. Faire savoir cela est bon.

Référence
Allou, Kouamé René

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