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Les Toura, un peuple méconnu

Le peuplement du département de Biankouma s'est effectué par vagues successives composées, dans un premier temps, de Yacouba et de Toura qui sont des Dan, puis des Mahou qui font partie des Mandé du Sud. Les Toura ou « Win », comme ils se désignent eux-mêmes, constituent un petit groupe vivant à Biankouma. On les identifie dans une sorte de triangle dont les angles sont : Man, Biankouma et les confluents des fleuves Bafing et Sassandra.

Les Toura vivent dans cette zone depuis le XVIIe siècle. Ce sont eux qui auraient accueilli, dans la région de Touba, les Mandé venus du nord. Progressivement, les Toura se sont déplacés pour s’installer sur les cimes des montagnes dans la région de Biankouma pour cause de sécurité. Ils font frontière avec les Mahou de Touba , les Yacouba de Man et Biankouma , les Koyaka de Séguéla et les Wobè vivant à Sémien et Flansobly. Ces différents peuples ont des influences, à des degrés divers, sur les Toura.

Huit tribus constituent les Toura: le Bohossé, Digouasssé, Gbohatassé, Gouinessé, Gouhossé, Naossé, Iriguéressé et le Woualoussé. Elles sont réparties à travers 70 villages dont le plus ancien serait Digoualé. Une localité située à 25 km du chef-lieu du département de Biankouma. Par ailleurs, on signale l’existence d’une dizaine de villages toura dans le département de Touba, région du Bafing. Gbonné est la première sous-préfecture toura dans le département de Biankouma.

Un village traditionnel toura se distingue par la présence d’une case sacrée. Reconnaissable par sa forme ronde avec un toit cônique, entourée d’une haie d’arbustes. Deux types de cases sacrées sont identifiées : le « gbéné » et le « kouinin kpah » qui signifie « la grande maison mâle ». La case sacrée est d’abord le siège des masques, ensuite le lieu où se règlent les différents conflits sociaux intervenus dans le village. Ici, le masque, appelé « gohoh », est le juge suprême. Sa décision est irrévocable pendant le règlement des conflits. C’est également dans la case sacrée que sont exposés les objets les plus anciens de la tribu : cuillers , et autres ustensiles de cuisine, arcs, peaux d’animaux tués, carquois des chasseurs…

Les cases sacrées menacées de disparition

Qui dans la société traditionnelle toura peut être le gardien d’une case sacrée ? « Tout le monde peut exercer cette fonction, à la seule condition que celui-ci soit initié » fait observer Zoh Loua Olivier. À la croisée des chemins, les cases sacrées dans les villages toura sont hélas ! aujourd’hui de plus en plus menacées de disparition, faute de gardiens, chargés de leur entretien au quotidien et de la surveillance des objets qui s’y trouvent. « Il nous appartient, chefs de villages et de canton d’expliquer et de sensibiliser les jeunes sur l’importance des cases sacrées dans nos différentes communautés » a dit Yangba Dosso, un patriarche rencontré à Dio.

Traditions

« Sénin ou « Gouli-nin » pour dire chef de terre ou de guerre est le titre, en langue locale, du chef de canton. Un chasse-mouches bien fourni et un arc sont ses attributs. Son costume est le « Gbabouh » avec un bonnet en cotonnade sur la tête.

La circoncision et l’excision, le mariage, la fête des ignames et la mort sont des mots et expressions qui ont des significations profondes dans la société traditionnelle Toura. « La mort est l’expression d’un changement d’univers. Chez les Toura, les morts ne sont jamais morts. Ils sont dans les rivières sacrées, les forêts sacrées, les grottes sacrées, dans les montagnes sacrées… Pour cette raison, tous ces espaces sont vénérés » a expliqué le patriarche Zoh.

L’épreuve de la circoncision marque chez le Toura la fin de l’adolescence qui généralement oscille entre 16 et 18 ans. Dès que le jeune homme est circoncis, il a droit au mariage. Les parents doivent lui donner en mariage une femme, en vue de fonder un foyer. Pendant le mariage, trois étapes sont nécessaires. Il y a d’abord l’amitié (période pendant laquelle les deux jeunes gens s’apprécient). Lorsque les deux amoureux s’acceptent mutuellement, on passe à l’opération de « dépôt de la natte, qui consiste à solennellement demander la main de la jeune femme. La dernière étape est le versement de la dot. Le vin de palme fraîchement récolté et la cola en sont les principales composantes.

Enfin, la fête des ignames. Elle marque la fin de la période de la circoncision. Au cours de cette cérémonie, dans le bois sacré, les futurs inities consomment exclusivement de la purée d’igname pendant leur consécration aux masques.

Histoire du canton Toura

C’est pendant l’administration coloniale que naît l’expression : « le canton Toura ». L’histoire du canton Toura débute véritablement en 1912. Avec la désignation du patriarche Kponoa par les différents chefs de groupes. Kponoa règne de 1912 à 1937. Zoh Charles succède à Kponoa, son père dont il est le port- parole devant les colons français. Zoh Charles se suicide en 1945, le jour de l’arrivée de Ouezzin Coulibaly et Houphouët-Boigny à Man. Son jeune frère Zoh Lambert lui succède immédiatement. Un an après, en 1946 celui-ci meurt dans un accident de la circulation. En 1948 , arrive Froma Joseph à la tête du canton Toura. Il règne de 1948 à 1956. Justement en 1956 , la guerre entre Progressistes et militants du RDA (Rassemblement démocratique africains) fait rage . . Celle-ci tourne à l’avantage du RDA. Avec l’appui des autorités administratives, Soumahoro Moustapha est nommé chef de canton Toura par intérim. Il occupe ce poste de 1956 à 1997. À sa mort , l’intérim est assuré par Kalilou Soumahoro, de 1998 à 1999. Cadre au ministère de l’Education nationale et membre de la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, Zoh Edmond devient le septième chef de canton Toura le 8 décembre 2014. Il décède le 16 mai 2017 des suites d’une courte maladie. Aujourd’hui en 2020, Zoh Loua Olivier, né à Douaguéré dans la sous-préfecture de Gbonné est l’actuel chef du canton Toura.

Honoré Droh
Correspondant régional à Man

Sorce: lebanco.net

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