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Historique du peuplement de la région du Centre-Ouest

L'histoire du peuplement du département de Daloa est intimement liée à celle de la région du Centre-Ouest de la Côte d'Ivoire actuelle. Les autochtones seraient des peuples qui habitaient la région avant le début de l'économie de plantation (1950). Il s'agit principalement des gban (gagou), des bété et des gouro.

La connaissance de l’histoire de chacune de ces ethnies s’avère nécessaire, même si une place particulière est par la suite réservée aux bété qui représentent plus de la moitié de la population autochtone du département de Daloa. Au côté de ces peuples autochtones, il y a les allogènes qui sont venus s’installer dans la zone avec l’introduction des cultures de rente que sont le café et le cacao. Ce sont, pour les principaux et par ordre d’arrivée, les Mossi, les Dioula, les Baoulé, les Agni, les Sénoufo, les Maliens, les Béninois, etc.

Les mandé sud : les gouro et les gagou
Les mandé-sud font partie de 5 aires culturelles de la Côte d’Ivoire. L’aire des mandé-sud est formée principalement de 7 groupes ethniques : yacouba, toura, mona, wan, ngan, gagou et gouro. Avant le XVIème siècle, les mandé-sud n’occupaient pas leurs sites actuels. Ils ont été pour la plupart établis dans la partie septentrionale de l’actuel pays Mahou. Gouro et yacouba occupaient la région comprise entre Odienné et Touba. Plusieurs villages mentionnés, comme lieux d’origine des lignages gouro, étaient situés dans l’actuelle subdivision de Mankono. La migration des mandé-sud depuis leurs zones de peuplement ancien jusqu’aux sites actuels ne commencent véritablement qu’à partir de la fin du XVIème siècle. A cette époque, les Malinké sont en marche vers le sud. « Les Kamara ou Diomandé envahissent la région de Touba au milieu du XVIème siècle, font une pause à Syano avant de se répandre progressivement du plateau de Konya (Odienné) aux rives de la Sassandra » (Diabaté H., 1987). Cette poussée entraîne la déstabilisation de la zone de peuplement des mandé-sud dont les populations refluent progressivement vers le sud.

Les gouro quant à eux marchant sur la forêt du sud-ouest expulsent les mona de leur habitat et s’installent à l’ouest de la Marahoué, entre Zuénoula et Vavoua. Ils se déploient ensuite jusqu’à l’est du Bandama, d’où ils sont chassés au XVIIIème siècle lors de la mise en place des baoulé. La majorité d’entre eux reflue par la suite à l’ouest du Bandama pendant que d’autres avancent plus au sud et repoussent les gagou. Les gouro sont renforcés par les migrants venus de l’actuel pays bété qui s’installent dans la région de Zuénoula et de Sinfra. En somme, les gouro habitent les régions de Gohitafla et partagent avec d’autres populations les zones de Bouaflé, Daloa, Oumé, Vavoua. Au sud du pays gouro, le pays gagou occupe l’ouest d’Oumé.

Le groupe autochtone : les bété
La présente étude étant surtout axée sur le département de Daloa, il est nécessaire de réserver une place « aux groupes autochtones » que sont les bété. Les bété appartiennent à l’aire culturelle krou qui s’étend sur le centre-ouest, le sud-ouest de la Côte d’Ivoire et le sud du Liberia. Le terme krou désigne une division linguistique établie de part et d’autre du fleuve Sassandra. On distingue les krou orientaux (bété, dida, godié et néyo) et les krou occidentaux (bakwé, kroumen, néyo, wané).

Les populations connues aujourd’hui sous le nom de bété étaient à l’origine désignées par le terme « magwé » (Loucou, 1984). Leur origine suscite des hypothèses très diverses. Certains les font venir du Liberia (Delafosse, cité par Diabaté, 1987), d’autres leur trouvent une origine endogène (Louhoy, 1969).

On pourrait mettre sous le compte de l’oubli la thèse de l’autochtonie des bété. En effet, une installation qui a duré plusieurs siècles peut faire oublier les déplacements antérieurs pour ne privilégier que la conscience de l’autochtonie. Mais, compte tenu de la durée de résidence des bété dans leur habitat actuel, on peut effectivement leur concéder le terme d’autochtones de la région. En effet, selon Loucou (1984) « les bété paraissent avoir été fixés, sans doute dès la fin du Néolithique, au nord-est de leur habitat actuel, entre le Bandama et le Sassandra « .

Toujours selon Loucou, les bété ont connu deux grandes phases migratoires. La première se situe au XVème siècle. Partis des environs du Sassandra, ils atteignent la côte vers l’actuel Grand-Lahou, se répandent sur le littoral ouest jusqu’à Nigheu à l’est du Sassandra, remontent le cours de ce fleuve et s’établissent dans la forêt de Guidéko. C’est de cet endroit qu’ils sont allés s’installer près de Kpotiéwono dans l’actuelle région de Gagnoa, Ouragahio, Guibéroua. Le deuxième grand mouvement des bété se situe entre le XVIIème et le XIXème siècles et correspond à l’éclatement du groupe et à la dispersion dans toutes les directions à partir de Kpotiéwono, à la suite de la guerre que leur livrèrent des ennemis invisibles ou une inondation catastrophique du cours d’eau. Cette expansion a favorisé les contacts avec d’autres ethnies vers le nord et le sud, ce qui a bouleversé le contexte linguistique. D’où les nuances dans le parler entre bété de Gagnoa, de Daloa et de Soubré. Cependant, tous les bété ont une conscience d’appartenir à une même communauté ethnique et culturelle.

La complémentarité des origines amène à penser qu’il est incorrect de parler d’ethnie bété. Ce groupe social ne serait que la résultante de sociétés qui, du fait de leurs aires géographiques initiales (l’orée des forêts dans les empires du Soudan et le royaume des ashantis), auraient des modes de vie similaires qui ont facilité leur rapprochement dans la zone forestière. Ce mouvement de regroupement en société homogène fixe (appelée ethnie) serait une réponse structurée d’entités différentes face au cadre proposé par l’administration. Ce cadre opérait une classification qui permettait au colonisateur de mieux asseoir son pouvoir (Oswald, 1997). Ce processus de construction de l’ethnie trouve son prolongement dans l’économie de plantation qui marque de nos jours le département.

L’occupation effective du site de Daloa et des sous-préfectures
L’histoire de la mise en place des tribus révèle qu’après la dispersion des populations bété à partir du Kpotiéwono, le peuplement de cette région n’a pas été systématique. Il s’est effectué surtout par vagues et par poussées progressives vers le nord, par essaimage et même par regroupement d’individus venant de différentes directions. L’ancêtre présumé de la plupart des populations bété de Daloa est Dri Kpekpa Dalo (Zuno, 1980 cité par Alla D, 1991). Il est venu de la région du Yukolu au sud pour chasser dans l’actuelle région de Daloa. Il y trouva Gblie Gbaie Yada qui lui offrit l’hospitalité. Ce sont ses descendants qui ont formé les 7 tribus Gbalunwa et les 5 tribus Zeboua1. Mais certaines tribus se réclament d’autres ancêtres. Parmi elles, la tribu Jetegwie qui couvre 17 villages au sud-ouest de la ville de Daloa, les tribus Dogbogwie et Lagogwie dont les ancêtres fondateurs sont venus de Soubré (Alla D. 1991).

Le Centre-Ouest : un milieu ouvert aux immigrants
La dynamique démographique de la région du Centre-Ouest et du département de Daloa n’est pas seulement due au seul fruit de la croissance naturelle. Les mouvements migratoires y ont également participé, grâce au commerce et à l’économie de plantation. On enregistre plusieurs types de phénomènes migratoires : la migration internationale et la migration inter-régionale.

La migration internationale
La migration internationale concerne les Syro-Libanais, les Africains de l’actuelle CEDEAO (Burkinabé, Maliens, Béninois, Togolais, Nigériens, Nigérians, Mauritaniens, Sénégalais, etc.). Ces populations représentent 31% alors que les autochtones constituent 33,2% de la population régionale. Dans cette population étrangère, on note la part prépondérante des Burkinabé à 305 650 habitants. Ils représentent 64% des étrangers et 20% de la population régionale. Les Maliens au nombre de 93 130 habitants et les Guinéens au nombre de 35 762 habitants représentent respectivement 20% et 8% de la population étrangère.

On ne pourra comprendre l’importance numérique des étrangers qu’en expliquant l’historique de leur implantation. En effet, les burkinabé surtout les Mossi sont arrivés dans la région dans les années 1930.

Ils étaient prestataires de service dans le cadre du travail forcé. Une fois le travail forcé aboli en 1946, l’extension des plantations de caféiers et de cacaoyers que créaient autochtones et allogènes a attiré encore plus une main-d’œuvre abondante de burkinabé. Profitant de leurs bons rapports avec les autochtones, ils ont acquis par la suite des terres pour s’installer comme planteurs. On les compte parmi les chefs d’exploitation de la région de Daloa (Alla D., 1991).

Selon Alla Della, « le cas des Sénégalais et des Syro-Libanais mérite d’être étudié, en raison du rôle que ceux-ci ont joué dans le développement de la ville de Daloa ». Les Syro-Libanais sont apparus dans la région immédiatement après la guerre 1914-1918. Ce n’est qu’après 1927 qu’ils se sont installés à Daloa. Dans les années 1930, ils étaient comptés parmi les acteurs les plus dynamiques du commerce à Daloa. Après avoir perdu le contrôle des marchés de la kola au profit des commerçants dioula, ils se sont limités à la traite du café et du cacao qui se développa rapidement au début des années 1950. Ils ont ouvert progressivement des boutiques pour le commerce des marchandises.

Quant aux Sénégalais, ils sont arrivés à la faveur du commerce du caoutchouc, de la kola, des palmistes et de l’huile de palme. Ils étaient agents de maison de commerce de Sassandra ou de Dimbokro ou étaient simplement commerçants particuliers. Les premiers se sont installés dans la région de Daloa vers les années 1930 (Kipré P., 1985). Leur nombre était si important dans les années 1950 qu’un quartier de Daloa prit le nom de « quartier wolof ».

La migration inter-régionale
La migration inter-régionale concerne essentiellement les populations des autres régions du pays du centre (groupe akan) et du nord (malinké et sénoufo). Ainsi, le groupe akan représente 51% de la population d’allochtones (et 18% de la population régionale), les Malinké 28% de la population d’allochtones et les voltaïque ou sénoufo 11%.

Le nombre important des akan notamment des baoulé observé ci-dessus provient comme pour les étrangers de l’historique de leur installation. L’arrivée des baoulé est étroitement lié au développement des cultures de rente. Les premiers sont apparus dans la région vers 1910-1911 en tant qu’intermédiaires du commerce européen. Le nombre s’est par la suite amplifié compte tenu des cultures industrielles. Mais, selon Alla D, « depuis 1981, les baoulé ne sont plus nombreux à venir à Daloa en raison de l’épuisement des ressources foncières de cette région et de l’ouverture du front du Sud-Ouest ».

Concernant les Malinké, on peut affirmer qu’ils sont les premiers allogènes à s’être installés dans la région de Daloa. Ils venaient à la recherche de « l’or vert de cette époque, la kola » (Kipré P, 1984 cité par Alla D. 1991). Ils s’installaient surtout comme commerçants, transporteurs, acheteurs de produits ou planteurs, surtout à Daloa-ville dont ils assurent le dynamisme commercial.

En somme, la région du Centre-Ouest et plus particulièrement le département de Daloa est une terre d’accueil de nombreux immigrants qui y viennent à cause des nombreuses potentialités de la région.

Apports migratoires récents
Au point de vue des flux migratoires, après Abidjan et la région du Sud, la région Centre-Ouest est la troisième région d’immigration. En effet, sur la période 1988-1992, la région a enregistré 310 863 arrivées et 281 293 départs de personnes de 6 ans et plus, soit un solde positif de 29 570 personnes. Si l’on ne considère que la population de 15 ans et plus, la différence entre entrants et sortants est de 42 587 individus. Ces résultats montrent la prépondérance des immigrants économiques. Il s’agit surtout des personnes de 15 ans et plus à la recherche d’un emploi ou d’une occupation.

La proportion de natifs résidant dans la région Centre-Ouest, soit 70% est nettement inférieure à celle constatée dans la région Nord, soit 88%, et légèrement supérieure à 67% constaté sur l’ensemble de la Côte d’Ivoire. Cela montre que la région du Centre-Ouest accueille beaucoup d’immigrants.

Les données de l’Enquête Ivoirienne sur les Migrations et l’Urbanisation (EIMU) réalisée en 1993 font ressortir que sur une population résidente du Centre-Ouest de 1 822 878 individus, 547 793 n’y sont pas nés, soit 30% de la population totale. Près de la moitié (48%) des personnes non natives de la région proviennent de l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Au niveau interne, les immigrants du Centre-Ouest proviennent du Centre (50 283), du Centre-Nord (49 232), de la ville d’Abidjan (47 550), et de la région Sud sans la ville d’Abidjan (46 422). Ces quatre régions totalisent 35% des personnes nées en dehors de la région.

Source: Organisation de Coopération et de developpement Economiques

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