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La poterie chez les Sénoufo

Bien que le peuple sénoufo soit essentiellement composé de vaillants agriculteurs, on y rencontre une classe sociale dont l'activité primordiale n'est pas l'agriculture.

Il s’agit des forgerons, artisans renommés, travaillant la pierre,le fer et le bois pour fabriquer des objets utilitaires tels que des outils agricoles, des armes pour la chasse, des ustensiles de cuisine et des objets cultuels. Ces travaux qui demandent beaucoup d’efforts physiques sont réservés aux hommes. Les femmes, aussi entreprenantes que les hommes, s’adonnent à la confection des pots et des vans.

La poterie en milieu sénoufo, est donc faite par les femmes issues du clan des forgerons.

Certaines non issues de ce clan mais mariées aux forgerons peuvent également être initier à la fabrication des pots. L’initiation au métier se fait sans sacrifice. Une femme issue du clan des forgerons qui se marie à un homme d’un autre clan, peut continuer à faire la poterie mais elle ne doit pas apprendre ce métier à une autre femme qui n’est pas de son clan.

La poterie occupe une place très importante dans la culture sénoufo : elle a été dans le temps la pourvoyeuse principale d’ustensiles de cuisine et la demeure toujours pour les pots utilisés lors des cérémonies de mariage et des rites funéraires.

La poterie qui est un véritable art peut être décrite en cinq étapes:

L’extraction de l’argile

La poterie se fait avec de l’argile de très bonne qualité.Une fois que les femmes ont repéré un bon site, l’extraction de l’argile ne peut commencer sans offrandes à la divinité qui protègera des dangers du travail et assurera le succès de l’art. Des poulets et un mouton sont égorgés sur le site par le chef du clan ou son représentant. La viande est préparée et mangée sur place, il est interdit d’en amener à la maison.

Dès la fin de la cérémonie de sacrifice, les travaux d’extraction peuvent commencer.

Ce sont les femmes qui assurent ce travail à l’aide d’outils suivants : les pioches pour creuser, morceaux de calebasse pour racler et les paniers ou cuvettes en bois pour transporter.

Des interdits sont à observer sur le site; ne doivent pas s’y rendre toute femme en état de menstruation ou de grossesse, toute personne qui n’a pas pris son bain après un acte sexuel et tout griot. Tout objet fabriqué par un griot ne doit pas être amené sur le site, et les femmes doivent porter un pagne en cotonnade ou du bogolan (pagne teint). Il existe des jours interdits pour le travail sur le site (Lundi et Vendredi).

La violation d’un de ces interdits commande une réparation par un sacrifice de poulets et une offrande de cola.

D’ailleurs chaque deux ans, une nouvelle cérémonie de sacrifice de poulets et de mouton est faite pour confier le travail à la divinité et réparer les éventuelles violations d’interdits qui n’ont pas été repérées.

La préparation de l’argile

– L’argile est d’abord séchée au soleil puis trempée dans l’eau toute une nuit.
– La potière pile les morceaux d’un vieux pot pour obtenir une fine poudre tamisée.
– Elle enlève l’argile de l’eau, la place sur une planche pour la pétrir avec le pied droit.
– Il est interdit d’utiliser le pied gauche.

Une fois que l’argile est bien pétrie,elle la met dans un canari pour mieux la battre avec la main.

Après cela c’est le modelage.

Le modelage

Le modelage se fait à l’intérieur d’un vestibule ou d’une case pour éviter le contact direct du vent avec les pots. Pendant le modelage, il faut que la place soit propre pour éviter le contact des pots avec les grains de céréales et les noix de palme car au moment de la cuisson, ces corps étrangers se consument et laissent un trou dans le pot.

Pour le modelage, la potière prend un vieux pot qu’elle renverse pour lui servir de moule. Elle imbibe le moule de poudre de morceaux de vieux pots pour que le nouveau ne se colle pas au moule, facilitant ainsi son extraction.

Le matériel utilisé pour le modelage est le suivant :

* Un vieux pot qui sert de moule
* La poudre de morceaux de vieux pots
* Le kazâ qui est une herbe tissée pour faire les traits décoratifs sur le pot.
* Le cìŋkɔrɔké qui est une partie de la coque du fruit du afzelia africana, utilisé pour niveler l’intérieur du nouveau pot.
* Le koolà qui est une pierre lisse, utilisée pour rendre lisse l’intérieur du pot

Beaucoup de types de pots peuvent être fabriqués :

– Les grandes jarres pour mettre de l’eau à boire dans la cuisine
– Les petites jarres ou kucóóni utilisées pour le transport de l’eau pendant les travaux champêtres
– Les bassines pour la préparation du dolo
– Les canaris et autres ustensiles de cuisine
– Les passoires pour la potasse
– Les passoires pour le soumbala
– Les abreuvoirs pour volaille
etc ….

Il est à remarquer que tous les types de pots ne peuvent pas être fabriqués par tous. Exemple la confection des passoires pour la fabrication du soumbala est une tâche exclusivement réservée aux veuves ; toute femme, ayant son mari en vie, qui transgresse cet interdit, s’expose à la mort.

Après le modelage, chaque pot doit être séché pendant trois jours. Quand le pot est bien sec, on procède à la cuisson.

La cuisson

Quand la potière juge suffisant pour une cuisson le nombre de pots confectionnés, elle va chercher du bois sec de karité ou de néré, des herbes sèches et du son de mil. Aidée des autres potières, elle classe d’abord le bois, puis les pots qu’elle couvre d’herbes et au-dessus le son de mil. Pour le succès de l’opération, certains geste symboliques sont à faire : le premier bois est placé par un enfant de même que les premières herbes en signe d’innocence et de pureté assurant la bénédiction des divinités. C’est la plus vieille des potières sur le champ qui allume le feu. Toute la cuisson est surveillée ; dès qu’apparaît un trou dans la combustion, elles le referment aussitôt pour éviter le contact du vent avec les pots. La cuisson termine avec la fin de la combustion qui se reconnaît par la couleur blanche des cendres. Les pots sont retirés pour la teinture.

La teinture

Avant la fin de la cuisson, la potière prépare une décoction à base d’écorces pour la teinture. Elle fait bouillir des écorces de néré ou de résinier (vèguè bèbê) et en recueille l’eau qui servira à donner deux couleurs possibles aux pots :

le noir et le rouge. Pour obtenir le noir, le pot est plongé très chaud dans la décoction dès son extraction du feu.

Pour obtenir le rouge, le pot est plongé légèrement refroidi dans la décoction. Pour les pots de grand volume, la potière utilise un balai pour répandre la décoction sur la surface. Le reste de la décoction est utilisée pour soigner les maux d’yeux et le paludisme.

Les outils utilisés pour la cuisson et la teinture sont les suivants :

– une faucille ordinaire pour enlever les petits pots du feu
– une faucille attachée à un long bâton pour extraire les pots volumineux
– un balai pour teinter les grands pots

Dans le milieu traditionnel sénoufo, la poterie était une véritable source de revenu pour les femmes des forgerons qui contribuaient à la prise en charge de leur foyer ; les pots étaient vendus ou troqués pour pourvoir aux besoins de la famille (habits et céréales). Avec l’arrivée d’ustensiles modernes plus souvent durables et moins chers, ce secteur d’activité connaît quelque peu des difficultés à cause de la mévente de ses produits. Le regain d’une certaine promotion par le biais de l’art décoratif (pots pour fleurs) semble nous réconforter. Mais l’importation de plus en plus massive de céramique augure-t-elle un avenir radieux au secteur de la poterie ?

Source: senoufo.com

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